Depuis quelques mois, Hong Kong est le théâtre de protestations. Entre les rues bondées de citoyens en colère, les violences policières et les décisions politiques: c’est le désordre d’une province chinoise hors norme. Pour découvrir plus profondément son quotidien, nous avons contacté un expatrié français.
Rappel historique
Région administrative colonisée par l’Angleterre en 1842, Hong Kong brille par sa singularité. Restée sous une tutelle britannique pendant 155 ans, évoluant dans sa propre justice et sa politique libérale, elle ne ressemble à aucune autre région chinoise. Pour cause, lors de sa restitution à la Chine en 1997, les anglais ont imposé des règles: Hong Kong conservera son mode de vie libéral. Une loi fondamentale lui permet alors de garder sa monnaie, son système légal et politique qui est le multipartisme, ses équipes sportives, son indicatif téléphonique ou encore son code de la route, car à Hong Kong, ils conduisent à gauche. Un détail peut-être anodin, mais révélateur du clivage national: dans le reste de la Chine, ils conduisent à droite. Son fonctionnement s’oppose donc totalement à celui de la Chine en général. C’est pour ça qu’on évoque souvent le principe « un pays, deux systèmes« lorsqu’on parle de Hong Kong. Néanmoins, les dirigeants chinois n’approuvent pas et passent un accord avec le Royaume-Uni. C’est pourquoi, d’ici 2047, Hong Kong devra fusionner et obéir aux mêmes lois que le reste de la Chine.

Manifestation anti-loi sur l’extradition, 16 juin 2019, Hong Kong ©Studio Incendo, Flickr
Sous tensions
Pour autant, les politiques chinois ne veulent pas attendre pour récupérer le contrôle d’un territoire qui, d’après eux, possède bien trop de libertés. Pour agir vite, certaines lois ont déjà été annoncées, comme celle sur l’extradition vers la Chine continentale. Son objectif est de juger et extrader des « criminels » de Hong Kong à Taïwan ou dans une autre région chinoise. Le problème, est que le terme « criminels » englobe aussi des ONG, des journalistes, des libraires ou d’autres personnes dont les métiers dérangent les politiciens. Les Hongkongais s’y opposent fortement, par crainte de procès injustes et tortures légalisées. Carrie Lam, cheffe de l’exécutif à la tête de Hong Kong, avait alors suspendu cette loi, tentant vainement de calmer des citoyens en colère. Ce n’était pas suffisant, et depuis, les hongkongais ne se battent plus seulement pour une loi, mais contre une Chine continentale qui influence leur territoire et retire des libertés.

Manifestations Hong Kong ©Baycrest
Ils ont cinq revendications : l’annulation complète de la loi d’extradition, ne pas être qualifiés « d’émeutes« , libérer des manifestants et la démission de Carrie Lam tout en installant un suffrage universel. Des requêtes légitimes, mais qui irritent la police et les politiciens. Résultat: les répressions sont violentes, faites de gaz lacrymogène, d’arrestations, d’interdictions, de tirs de balles en caoutchouc mais aussi de balles réelles. En réponse, les manifestants deviennent de plus en plus violents. Ces accusations, punitions et désaccords poussent cette petite région asiatique dans une véritable tornade.
Le point de vue d’un habitant engagé
Pour comprendre comment le nouveau quotidien des Hongkongais a évolué, nous avons contacté un Français, qui a souhaité rester anonyme et qui vit à Hong Kong depuis maintenant un an.
« Beaucoup de choses ont évolué ici. Avant d’y habiter, je connaissais déjà Hong Kong grâce à un échange universitaire. C’est une ville qui a la réputation d’être sécuritaire quelque soit le quartier. Les habitants aiment la discipline, respectent les biens publics, les stations de métros sont très propres, il n’y a jamais de grève et les manifestations sont très rares. Ce qui a bien changé avec les premières manifestations de juin. J’ai participé à la deuxième, tout était très pacifique, des manifestants nettoyaient même les rues après leur passage. »
Un comportement quasiment inhabituel de la part de manifestants, qui révèle le respect des Hongkongais pour leur ville. Pour cet habitant, les autorités ont répondu de manière « insultante » à ce respect, ce qui a provoqué, non seulement des protestations plus violentes mais aussi des tensions.
« Il y a beaucoup de tension dans les rues, dans tous les quartiers de la ville car aucun n’a été épargné. Les gens ont surtout peur de la police, pas des manifestants. Il faut dire que le simple fait de porter un tee-shirt noir peut suffire à se faire arrêter. Justement, si beaucoup de Hongkongais ne soutenaient pas les premières manifestations, le comportement de la police a vraiment choqué tout le monde, et a donc ramené encore plus de manifestants. »
D’autres changements apparaissent alors : les métros ferment à 20 heures (normalement ils sont ouverts jusqu’à 1 heure du matin), les gens se ruent dans des supermarchés pour faire des provisions, ils retirent beaucoup d’argent et des commerces ferment. Le tourisme aussi est touché: il a chuté de 40% le mois dernier.
« Les aéroports et les routes sont souvent fermés en ce moment. La dernière fois, il m’a fallu sept heures pour aller de l’aéroport à chez moi alors que normalement, je mets trente minutes. «
En tant qu’expatrié, la situation n’est pas réellement dangereuse, mais la tension se ressent. Plus particulièrement, notre Français a dû faire face à des difficultés.
« Une manifestation avait lieu dans mon quartier et le gaz lacrymogène se ressentait jusque dans mon appartement, au sixième étage. La police avait bloqué tous les accès, il était impossible de rentrer ou de sortir du quartier. «
Malgré tout, tout ça est le fruit d’une « guerre d’identité entre hongkongais et chinois« . C’est comme ça que le ressent l’habitant que nous avons interviewé.
« Certains Chinois n’osent plus parler mandarin dans la rue, par peur de se faire agresser. Tout ce qui est chinois est très mal vu ici. Des drapeaux chinois ont été brûlés ou jetés à la mer, ce qui sont des actions très graves ici. »
Hong Kong, c’est aussi le dévouement de citoyens qui osent s’opposer. C’est ce qui rend cette région différente et combative. Pour l’expatrié Français, ces manifestations sont indispensables.
« Je soutiens fortement ces manifestations. Beaucoup d’expatriés ne pensent qu’aux gênes occasionnées (transports, routes bloquées…) mais on parle d’un peuple, de plusieurs millions de personnes qui se battent. Et qui donnent leurs vies, parfois, pour leur ville et son avenir. »
Revendications, protestations, violences policières et bien d’autres actions font de Hong Kong ce qu’elle est aujourd’hui. Une région au statut unique qui ne cesse de se transformer.