L’exposition « Moments d’Alliance » a débuté mercredi 16 octobre à Paris, à la maison des associations du 16ème arrondissement. Nous avons assisté au vernissage le jeudi suivant. Peintures, sculptures, photographies, stylisme ou encore auteurs : découvrez un bout de l’âme des artistes d’Afrique.
La vision de l’art sur le continent Africain
Longtemps appelé « naïf » ou « primitif« , l’art des pays d’Afrique est souvent sous-estimé. Il ressemble à tout et à rien, palette de couleurs et d’extravagance spirituelles. Pourtant, cet art n’est pas très visible et il est mal exploité. L’exposition « Moments d’Alliance« , organisé par l’association Arts Emotions Afrikwa, se bat pour lui donner un autre sens : sa véritable signification. Les Occidentaux parlent d’un art africain créé pour être exposé et s’en inspirent pour faire évoluer leur style, mais cette vision a ses limites. L’art africain n’est pas figé, il est en perpétuel cadence, aussi utile que beau. Le masque, un objet sacré dans les communautés africaines, n’est pas fait pour décorer. Souvent porté lors des cérémonies traditionnelles, c’est presque une insulte de juste l’exposer. Le peintre Pie Gbaguidi, un exposant aux origines béninoises, l’affirme.
Un masque n’a de sens que lorsqu’il est porté, lors d’une danse en principe. Cela montre bien l’importance du mouvement, qui est l’essence même de l’art africain.
Durant la conférence pré-vernissage, les artistes ont partagé la vision du monde que reflète l’art africain. Entre autres, la fécondité est souvent représentée pour célébrer la vie, mais aussi le rythme des musiques africaines ou encore une lecture colorée et atypique de la société.
Des artistes singuliers et différents
Pour donner naissance à des chefs d’œuvres, minimes ou immenses, il faut des artistes. Cette exposition met à l’honneur un grand panel de talents: des peintres comme Pie Gbaguidi ou Anna P. Orion, originaire d’Ukraine, artistiquement internationale. Dans la peinture Engendrement de Gbaguidi, la notion de fécondité s’impose à travers la simplicité et les courbes de ce tableau.
Nous retenons aussi la folie colorée et aux multiples visages des œuvres de la peintre Martine H. N’Zé. Des sculptures aux formes voluptueuses, longilignes et aux couleurs dynamiques interpellent le regard: rien ne va, tout s’assemble. Il s’agit de l’œuvre de Jean-Marc Boudine, aux origines guadeloupéennes et au style bien défini.
L’art africain est mystique et traditionnel à la fois. Mais il faut le faire évoluer et mon but est de rendre accessible cet art avec un esprit moderne. Une alliance du passé et du présent.
Jean-Marc refuse de faire comme les autres artistes, il veut s’en détacher, et justement, il brille par son originalité. La couleur, c’est ce qu’il n’y a pas dans les photographies de Bill Akwa Bétotè, originaire du Cameroun. Un angle de vue perspicace, une netteté excellente et la découverte d’instruments de musiques africains : il montre les rythmes effrénés d’un quotidien intense.
Je voulais faire une expérience photographique et artistique. Je me suis inspiré de tous mes voyages et des personnes qu’ils m’ont emmené à rencontrer Ce sont des personnages, des regards et des histoires que je n’ai, souvent, jamais comprise.
L’art n’est pas seulement visuel lors de cette exposition. On retrouve aussi des auteurs, de comte africain pour enfant comme Cristèle K. Dandjoa « Mayi Sirena« ou de bandes dessinées engagés, tel que l’ouvrage de Al’Mata « Les Tribulations d’Alphonse Madiba dit Daudet« . Et, la dernière forme d’art présente ici est le stylisme. Mis en avant par Méghane M., designer pour les femmes de petite taille, qui à force d’acheter leurs vêtements aux rayons enfants, ont du mal à se voir comme des femmes. Son projet ? Prouver à toutes celles qui n’osent pas s’affirmer car trop petites, qu’elles peuvent être des femmes. Qu’elles méritent d’avoir un style, une mode à leurs tailles.
Un attrait particulier
Dans son esprit spirituel et sa façon d’être si vivant, l’art africain ne ressemble à rien d’autre. C’est pourquoi il plaît autant. Jacques, passionné par la peinture, est un grand fan de cet art depuis toujours.
C’est magnifique. J’aime surtout les couleurs, très importantes, mêlées à cette recherche de phénomènes particuliers qui retrace l’Afrique.
En ce qui concerne Marie-Hélène, ancienne galeriste d’art, c’est une vraie opportunité de pouvoir être exposé.
J’aime beaucoup. Cela permet aux artistes de se faire connaître et on peut remercier la maison des associations pour ça.
Un art pertinent qui touche les visiteurs. Mais un art encore trop peu connu et pas assez mis en avant. Laurine, jeune membre de l’association Arts Emotions Afrikwa, l’exprime.
Honnêtement, l’art africain manque de visibilité. Même si, après, les afro-descendants ne considèrent pas toujours ce qu’on créé comme de l’art. Les masques reflètent bien cette idée-là. Mais ce sujet concerne essentiellement le passé, maintenant il y a une nouvelle forme d’art qui se développe et c’est génial.
Une profonde recherche de reconnaissance, c’est le cas de tous les artistes. Surtout ceux qui n’ont pas d’endroits pour se montrer. C’est ce que confirme le président de l’association, Charles Yemy.
Je fais tout ce que je peux pour montrer les artistes afro-descendants de France et d’ailleurs aussi. On se bat pour qu’on nous reconnaisse, que nous ayons accès à des lieux à nous. Contrairement à d’autres communautés qui ont des centres culturels à Paris, nous, nous n’avons pas beaucoup de moyens. Nous sommes citoyens de France et du monde. Nous méritons d’être reconnu en tant qu’artistes.
« Nous sommes invisibles » affirme la peintre Martine H. N’Zé, à contre cœur. Pourtant il ne tient qu’à nous, curieux, passionnés ou bien même amateurs, à la recherche d’émotions et d’œuvres attachantes, de le voir cet art. Formes incomplètes, lignes brisées, photographies sans couleurs, lèvres sculptées au rouge à lèvres, fresques, livres et vêtements engagés: on se laisse facilement emporter par ce petit souffle de l’art africain.